LES BOUQUETINS

Auteur : Samuel Cifre

épisode 1

Il était deux boucs au pré, c’é-
-tait en avril’ il y a longtemps.
Deux boucs et une bique oppres-
-sés, à six pieds d’un bel étang.

Les boucs étaient tantôt pressés
D’aller brouter l’herbe en dandin
Et tantôt ils allaient pares-
-Ser leur beau corps de bouc hautain.

La bique, elle aimait les matins
Aller à l’étang en dandi-
-nant son train et peindre les crins
De ses deux amis. Mais pardi,

Ils n’appréciaient guère qu’on les teigne
De boue venue de l’étang, du
Qu’une fois sèche la boue se peigne
Mal et les bouts liés sont perdus.

Elle allait donc, seule à l’étang,
Sans allaiter car elle n’avait,
C’est chose sûre, aucun amant ;
Personne à ne mettre à ses pieds.

Pourtant, au printemps il est temps
Pour la bique qui veut un bé-
-bé, de plaire aux boucs dans les temps :
Ça tombe à l’eau si c’est passé.

Elle prit alors son maquillage
Fait de bouquets de pissenlits
Et pour plaire à son entourage
Se teint de boue son bouc, assi-

-se. Puis elle prit le maquis, ah ! je
Ne vous l’avais encore pas dit :
Par un défaut dans le grillage
Elle se fit la belle et tant…mieux !

épisode 2
Ainsi la belle, le bouc teint,
S’en alla bêler son récit
A une troupe de bouquetins
Qui vit à des vallons d’ici.

Mais l’étalon fécond vit, c’est
Bien connu dans le mont Ventoux,
A des talons au pied, censés
Le préserver des crocs des loups

Le premier qu’elle a rencontré
Lui dit : « tu sais, mon bouc m’écœure.
Mais bien par delà la contrée
Je suis le meilleur producteur.

Vas, n’ai pas peur de ma dérai-
-son si je t’assaille et t’atteins
Tu seras célébrée, comblée. »
De peur, elle partit au matin.

Le second dit : « c’est des goûts ten-
-dancieux pouvant porter à con-
-fusion », du regard s’avan-
-ce, dit : « faisons conversation :

Sais-tu, la belle qu’un pur teint
Ne dure que l’instant d’un été.
Moi qui cours les messes en latin
Comment t’aimer sans pureté ?

Un troisième passant par là s’est
Trouvés séduits par tant de bou-
-lot. Pour en arriver là, c’est
Bien que la bique était à bout.

Il dit : « sais-tu que ton bouc tout
Teint véritablement m’émeut. »
Et sans mot dire, plus un du tout,
Il se fit la belle et tant…pis !
...